Pendant des décennies, la Suède et la Finlande ont incarné, chacune à leur manière, une forme de neutralité armée, prudente, stratégique. En quelques mois seulement, sous la pression géopolitique, cette neutralité a été abandonnée. L’Otan s’est élargie. Le point de non-retour a été franchi.
Ce basculement n’est pas un accident. Il est le résultat d’un travail politique de longue haleine, d’un glissement progressif, discret, presque administratif. Et c’est précisément ce scénario qui doit aujourd’hui alerter la Suisse.
La Confédération face au même engrenage
Officiellement, la Suisse est neutre. Constitutionnellement, elle l’est toujours. Politiquement, elle ne l’est déjà plus totalement.
Depuis 2022, la Confédération :
- reprend automatiquement des sanctions étrangères,
- s’aligne sur des positions militaires occidentales,
- participe de plus en plus étroitement aux programmes de coopération avec l’Otan,
- intensifie l’interopérabilité de son armée avec les standards atlantiques,
- et discute ouvertement d’un « partenariat renforcé » avec l’Alliance.
Ce n’est plus de la neutralité. C’est de l’alignement progressif.
L’émergence inquiétante d’un euro-intégrationnisme assumé au sein du pouvoir
L’irruption sur la scène fédérale du conseiller fédéral Martin Pfister (PLR) illustre parfaitement cette dérive. Inconnu politiquement du grand public, y compris dans son propre canton de Zoug, il apparaît pourtant déjà comme un relais idéologique de l’euro-intégrationnisme et d’un arrimage stratégique accru aux structures euro-atlantiques.
Son discours est révélateur :
- banalisation de l’abandon de neutralité,
- relativisation de l’indépendance stratégique,
- justification de l’alignement militaire par la « sécurité collective »,
- acceptation tacite de la subordination juridique future aux normes extérieures.
C’est exactement le même récit utilisé en Suède et en Finlande entre 2014 et 2022 :
« Ce n’est qu’un ajustement », « ce n’est pas une adhésion », « il n’y a pas d’alternative dans le monde actuel ».
Nous connaissons la suite.
Otan aujourd’hui, UE demain : la mécanique est la même
Dans les pays nordiques, l’Otan n’a pas été présentée comme un choix idéologique, mais comme une fatalité technique. En Suisse, l’intégration à l’Union européenne est vendue de la même manière :
non comme un choix de civilisation, mais comme une obligation économique.
Dans les deux cas :
- on court-circuite le peuple,
- on contourne le débat démocratique,
- on dissout la souveraineté dans la gestion technocratique,
- on transforme un État libre en simple rouage d’un bloc.
La Suisse n’est pas attaquée militairement. Elle est désarmée politiquement de l’intérieur.
La neutralité suisse n’est pas un slogan — c’est une architecture de survie
Contrairement à la Suède, la neutralité helvétique n’a jamais été un simple positionnement moral. Elle est :
- un pilier de stabilité intérieure,
- un outil diplomatique unique,
- un rempart contre l’absorption géopolitique,
- une condition de la démocratie directe.
L’abandon de la neutralité n’est pas une modernisation.
È un mutation de régime.
Conclusion — Ce qui s’est produit à Helsinki et Stockholm peut se produire à Berne
La Suède et la Finlande étaient neutres. Elles ne le sont plus.
Leur basculement a été rapide, légal, parfaitement « propre » sur le plan institutionnel. Et pourtant, il est irréversible.
La Suisse est aujourd’hui exactement au même carrefour.
Si la Confédération continue :
- à s’aligner militairement,
- à s’intégrer juridiquement,
- à se soumettre politiquement,
alors la neutralité suisse rejoindra bientôt les musées de l’Histoire.
Et l’on dira demain :
« Personne n’a vraiment vu venir. »